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[Crowdfunding] Les musiciens arabes peuvent-ils reproduire le succès de Mashrou' Leila ?

[Crowdfunding] Les musiciens arabes peuvent-ils reproduire le succès de Mashrou' Leila ?

Le mois dernier, Mashrou' Leila, un groupe libanais d’indie rock, a pu compter sur 543 de ses fans pour financer la sortie du 3ème album, Raasuk. En tout, ils ont donné 66 000 USD sur la nouvelle plateforme de crowdfunding arabe Zoomaal, une preuve de l’enthousiasme des fans de Mashrou' Leila, mais aussi une preuve que de nouvelles possibilités s’ouvrent aux jeunes musiciens qui veulent s’éloigner des sentiers battus.

« Dans le groupe, on a toujours dit : si nous pouvons le faire, tout le monde peut le faire, » se défend Firas Abou Fakher, le guitariste du groupe au cours de notre conversation. Il y a certainement de la modestie dans ses propos : le groupe a tout de même réussi à sortir trois albums, tourner trois clips et se produire à de nombreuses reprises aussi bien au Moyen-Orient, en Europe et au Canada, le tout en moins de cinq ans et sans le soutien financier d’un label.

Cet esprit entrepreneurial se retrouve dans la vidéo de promotion de leur campagne de crowdfunding, dans laquelle fans et membres du groupe mélangés y expliquent, avec effusion de poésie, le rôle unique du groupe dans la sphère musicale arabe, de par sa reconnaissance internationale, alors même que le groupe chante en arabe, et de par ses paroles qui traduisent l’angoisse d'une nouvelle génération d’arabes.

Passer par le crowdfunding était une suite logique pour le groupe : depuis ses débuts en 2008, le groupe s’est développé grâce aux soutiens de ses fans et amis. Ce sont eux qui l'ont aider à trouver son premier studio et sa première boite de prod vidéo. Pour Firas Abou Fakher, c’est cette vidéo pour leur chanson “Raksit Leila” qui les a propulsé et leur a permis de tirer des vrais revenus de leurs tournées.

Mais limiter leur succès au soutien de leurs fans serait incorrect, le groupe a une identité unique. Tout étudiant beyrouthin, qu’il aime ou pas leur style musical, a, au moins une fois, débattu du groupe avec ses amis. Dans leur vidéo sur Zoomal, Firas explique cette situation par « l’ambiance du pays » à cette époque. Alors que les bars et les boites ne passaient que des morceaux de trance ou de pop siliconée, difficilement distinguables les unes des autres, Mashrou’ Leila proposait une musique avec un son différent et une identité bien à elle.

Est-ce qu’un groupe qui n’aurait pas, comme Mashrou’ Leila, la chance de se trouver au bon moment au bon endroit et de disposer des bonnes connections, pourrait réussir à financer un album grâce au crowdfunding ? Firas Abou Fakher y croit mais uniquement « pour des montants moindres et sur des projets plus spécifiques, par exemple, pour lever 12 000 USD pour un nouveau clip ou 6 000 USD pour la location d’un studio ». Il souligne aussi que ce n’est pas une option durable : Mashrou' Leila ne risque pas de refaire une campagne de crowdfunding d’ici tôt, avoue t’il, car le groupe est fatigué de devoir, constamment, demander de l’argent.

D’ailleurs, au départ, les membres de Mashrou' Leila hésitaient à se lancer dans l’aventure. C’est uniquement après que le président de Zoomaal, Abdallah Absi, les ait approché qu’ils ont sauté le pas, convaincus que le groupe et la plateforme avait beaucoup en commun, notamment une vision pan-arabique.

S’il est plus facile pour des groupes locaux de sortir du lot sur Zoomaal que sur des mastodontes internationaux comme Indiegogo ou Kickstarter, il n’en demeure pas moins que le groupe doit déjà posséder une communauté de fans importante. Malgré des fans dévoués, le groupe palestinien Khalas n’a réussi à lever que 4 000 des 7 000 USD demandés lors de leur campagne Indiegogo destinée à couvrir les coûts de production et de distribution de leur album. Seuls 5% des fans ont mis la main à la poche, a expliqué le groupe à Wamda. De même, seuls 2,5% des 22 406 personnes qui ont visité la page de Mashrou' Leila sur Zoomaal ont effectué une contribution. Mais il est important de noter qu’ils ont dépensé bien plus que ce qu’un fan lambda dépense pour découvrir un album, puisque la moyenne des contributions s’est élevée à plus de 100 USD.

Mashrou' Leila est, sans conteste, une très belle success story qui a remis en question le fonctionnement de la scène pop arabe. Il reste maintenant à voir si d’autres groupes réussiront à suivre leur voie.

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