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Quand Internet transforme des artisans analphabètes en stars d’Etsy

Quand Internet transforme des artisans analphabètes en stars d’Etsy

Avec l’essor d’Etsy et d'Ebay, n'importe quel créateur peut devenir son propre boss et être visible auprès d’un large marché. Seul hic : il faut savoir parler et écrire anglais.

Au Maroc, certains artisans vivant dans des villages isolés bénéficient de l'aide d'ONGs pour vendre en ligne leurs produits. Des volontaires les aident à choisir les bons produits, à fixer les bons prix, à vendre les produits en ligne et à les envoyer aux acheteurs. Les artisans touchent ainsi un marché bien plus intéressant que leur marché actuel, mais... ils restent dépendants de ces bénévoles.

Après deux ans de travail avec ces artisans pour l’ONG américaine Peace Corp, Dan Driscoll décide de s’associer avec Tom Counsell, un développeur informatique travaillant aussi pour Peace Corp, pour créer un système qui permette aux artisans de se passer des bénévoles, qu’ils sachent écrire ou pas.

« Laisser le marché équitable être ce qu’il devrait vraiment être » 

 « Le monde n’a pas besoin d’un enième site de e-commerce, » explique Tom, ce dont il a besoin c’est d’une façon d’intégrer les artisans isolés.

« Maintenant qu’internet est accessible partout dans le monde, même dans les coins les plus reculés, et que presque tout le monde utilise des téléphones portables, il n’y a plus autant besoin [de commerce équitable], » estime Tom. « Pas de besoin de libeller des produits "équitables" s’ils sont vendus par les artisans eux-mêmes, argumente t’il.

Dan et Tom créé alors The Anou, un système qui permet aux artisans marocains de vendre leurs produits sur Etsy et Ebay sans avoir besoin de lire, d’écrire ou de savoir utiliser un ordinateur.

Plus besoin de bénévoles 

Après six mois de béta et pas mal d’ajustements, la version finale de The Anou a finalement été lancée en août sous forme de site mobile. Apprendre à quelqu'un d'analphabète comment utiliser un smartphone et son appareil photo intégré est en effet plus facile que de lui apprendre comment utiliser un ordinateur et un appareil photo.

Les artisans intéressés par le programme contactent le programme. The Anou envoie alors un de ses deux formateurs, Brahim Mansouri ou Rabha Akkoui, deux artisans ayant le sens du commerce, sur place pour une journée de formation. 

Les artisans qui font appel à The Anou appartienent généralement à des coopératives de 5 à 35 artisans. Seuls quelques représentants de chaque coopérative, ceux qui ont le plus de temps ou sont plus à l’aise avec la technologie, sont formés. En tout, 50 coopératives, représentées par 200 artisans, participent au programme.

Durant cette formation, les artisans apprennent à utiliser un smartphone et à gérer la logistique, et remplissent leur profil.

Brahim et Rabha récupèrent, en arabe, toutes les informations nécessaires pour rédiger la fiche descriptive de chaque produit et la biographie de l’artisan (ou tout du moins d’un représentant de la coopérative) qui l'a fait. Ils les envoient ensuite aux traducteurs qui les mettront en ligne en anglais.

A partir de là, les artisans peuvent se débrouiller seuls. Dès qu’ils veulent mettre en ligne un produit, ils l’ajoutent sur le site mobile depuis leur smartphone, en sélectionnant le produit qu’ils viennent de produire et l’artisan.

Certaines coopératives ont déjà un smartphone à disposition ; les autres peuvent se regrouper pour effectuer cet investissement, demander un micro-credit ou faire appel à une ONG.

Tom a fait en sorte que le site, responsive, aie un design aussi simple que possible : pas de blabla, que des images. Les artisans peuvent utiliser le site même s’ils ne savent pas lire, écrire ou parler anglais.

Les produits sont alors automatiquement postés, en anglais, sur le site de The Anou, d’Ebay et d’Etsy.

Quand un produit est commandé, le représentant reçoit un SMS automatisé avec toutes les informations nécessaires à l’envoi (produit, quantité, nom et adresse). Le représentant se présente à la Poste avec ce SMS et les produits à envoyer, et envoie un SMS de confirmation une fois le produit envoyé.

Un modèle durable ?

Après une longue discussion sur différents aspects techniques et logisitiques (allant du design au paiement, en passant par le retour gratuit des produits), Tom a réussi à me convaincre de la viabilité du projet

Ils faut dire qu'ils ont adopté une approche très Lean Startup pour assurer la durabilité du programme :

1. Réduire les coûts non nécessaires. Les deux américains, bénévoles pour l’instant, se retireront du projet dès janvier et laisseront les rennes à Brahim.

2. Répondre aux problèmes en expérimentant. Quand le service grandira et quand Brahim prendra le contrôle, de nouveaux problèmes apparaitront, l’équipe y répondra sur le tas, en fonction des retours clients et artisans.

Même s’il est tentant de penser que tout le monde peut devenir entrepreneur, on peut se demander si Brahim, qui n’était, il y a un an, qu’un artisan dans un petit village marocain, peut devenir le CEO d’une société qui représente 200 artisans à l’heure actuelle et devrait en représenter 250 d’ici fin décembre.

Brahim devra gérer les formations et répondre aux questions des artisans, s’ils rencontrent un problème – comme il le fait déjà – mais aussi gérer les traducteurs, le développement du site, la gestion des paiement ou encore les tâches administratives et fiscales.

Tom a entièrement confiance en Brahim. Pour lui, le seul problème qui leur reste est la maintenance de la technologie. En attendant une meilleure solution c’est Tom qui s’en occupera bénévolement. 

Le grand absent de ces tâches et le marketing. Tom et Dan sont persuadés que le bouche-à-oreille et le pouvoir d’Etsy et Ebay seront suffisant pour apporter suffisamment de clients.

Depuis le lancement en beta, The Anou a vendu 4 500$ de produits artisanaux. Pourront-ils continuer à faire grandir leur chiffre d'affaire sans marketng ?

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