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Le co-valisage, une nouvelle pratique qui intéresse les startups.

Le co-valisage, une nouvelle pratique qui intéresse les startups.

Le monde arabe est un habitué des valises remplies à craquer. Nombreux sont les voyageurs qui reviennent chargés d’emplettes pour soi… et pour les amis qui n’ont pas pu voyager.

Le prix prohibitif des services de livraison et des services postaux empêche bien des arabes de se procurer des produits indisponibles dans leur pays, des produits sensiblement moins chers à l’étranger, ou encore des cadeaux de la part de famille à l’étranger. La seule solution est donc de demander à des amis voyageant à l’étranger de jouer les coursiers. 

Un constat similaire, deux parcours différents

En décembre 2011, Chakib Benziane et Ryadh Dahimene, deux apprentis serial-entrepreneurs algériens, étudiants en informatique à Paris se rendent à LeWeb pour faire connaître Jib.li. Ils y reçoivent un accueil positif, y recrutent deux autres cofondateurs dont un prêt à investir 75 000€ et lancent une beta. En novembre 2012, ils sortent une seconde itération du projet.

Pendant ce temps en Egypte, Ahmed Saad Ismail, Mohamed Nabil Kash, Mohammed Sameer, trois entrepreneurs égyptiens accélérés au sein de Flat6Lab, le célèbre accélérateur cairote pour leur startup Yadget, ouvrent une page Facebook pour mettre en contact les Egyptiens ayant besoin de produits de l’étranger et ceux y voyageant. En mars, ils décident de mettre en pause Yadget pour se concentrer sur Zaagel et commencer une nouvelle accélération à Flat6Lab.

Les deux sites ont le même objectif : systématiser et faciliter le transport de biens entre particuliers. L’acheteur obtient le colis dont il a besoin et le voyageur/livreur récupère une commission. 

Des sites de rencontre aux stratégies différentes

Sur Zaagel, l’acheteur poste une photo et un descriptif du produit qu’il veut acheter avec un lien vers un site de e-commerce pour que le voyageur puisse l’acheter en ligne. Il fixe une commission et règle le produit et la commission à Zaagel qui joue le rôle de séquestre. Si un voyageur souhaite livrer ce produit, il l’« ajoute au panier », l’achète sur internet et envoie le reçu à Zaagel d’ici 3 jours. Zaagel rémunèrera le voyageur une fois le produit livré. 

La logistique est bien pensée mais l'interface utilisateur difficile comprendre la première fois. Pour l'instant, les produits peuvent uniquement être livrés en Egypte. Dans le futur proche, le service sera lancé en Arabie Saoudite, en Jordanie et en Turquie. Les clients demandent généralement des produits des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou des Emirats. 

Les utilisateurs habitant dans d'autres pays que l'Egypte peuvent se tourner vers Jib.li. Son fonctionnement est plus souple et intuitif. L’acheteur ET le voyageur peuvent poster leur besoin/voyage. Ainsi, une fois son besoin posté, le voyageur reçoit une suggestion de voyages possibles. Le voyageur a, lui, la possibilité de contacter des utilisateurs pour récupérer leur produit ou d’attendre qu'ils viennent à lui. Jib.li permet aussi de commander des colis personnels, comme les gâteaux de sa grand-mère, ce qui n’est pas le cas avec Zaagel. Autre point différenciant, Jib.li ne joue pas le rôle de séquestre, ce qui nécessite une plus grande confiance.

Pour créer cette confiance Jib.li joue sur le côté communautaire. Là où Zaagel semble purement transactionnel et impersonnel (pas de messagerie ou de profil utilisateur par exemple), Jib.li mise sur les profils d’utilisateurs, les notations et la discussion.

Les différences vont s’atténuer dans le court-terme puisque Jib.li va proposer un système de séquestre et Zaagel un système de messagerie. La différence se fera alors sentir au niveau de la culture de chaque site.

Qualité vs quantité 

Zaagel et Jib.li sont de ces services de consommation collaborative qui nécessitent un réseau dense d'utilisateurs afin que l'offre et la demande se rencontre. La pratique étant encore inconnue du grand public, les cofondateurs vont devoir se concentrer sur l'engagement de leur communauté d'early-adopters plutôt que la taille de leur base d'utilisateurs, et surtout convaincre les voyageurs de l'intérêt et de la simplicité de cette pratique. 

Jib.li demande moins d'efforts de la part du voyageur puisque ce sont les acheteurs qui viennent à lui et qu'il peut discuter en amont des modalités de la livraison. Mais seuls l’expérience et le bouche-à-oreille pourront attester de bon déroulement de ces échanges.

L’intérêt financier semble avoir été prouvé chez Zaagel. Le cofondateur Mohamed Kash affirme qu’un voyageur gagne en moyenne 500$ par voyage, en emportant avec lui une moyenne de 30 objets.

Jib.li joue, lui, sur la fibre sociale. Certains voyageurs proposent leur service gratuitement, probablement grâce à l’accent mis sur le communautaire, alors que Ryadh Dahimene travaille sur un projet de distribution de médicaments dans une Tunisie post-révolution. 

Pour l'instant, les deux services ont peu d'utilisateurs mais un taux de conversion intéressant. En plus d’un an, Jib.li a réuni 750 utilisateurs. Ce n’est pas une base énorme avoue le cofondateur mais les utilisateurs sont très actifs, 1/5 ont déjà fait une transaction m’explique t’il. Sur les 400 utilisateurs de Zaagel, 45 ont commandé des produits et 6 ont effectués un voyage, dont un qui en a fait deux. En tout c’est 140 produits que ces 6 voyageurs ont rapportés.

Pour rester compétitives, les commissions vont devoir rester inférieures à celles d'Aramex et confrères, c'est donc sur les volumes plus que sur les montants que vont devoir jouer ces deux services s'ils veulent devenir rentable. 

Pour acquérir des utilisateurs, ces services vont devoir faire un gros travail d'éducation, d'autant que les deux services peuvent difficilement compter sur le référencement pour l'instant, la pratique manquant de visibilité et ne disposant même pas d’un nom (j'ai lu le terme "co-valisage", vous en pensez quoi ?). Les deux sites cherchent donc à lever des fonds pour explorer d'autres pistes. Jib.li souhaite développer une appli et Zaagel développer des partenariats avec des agences de voyages, embaucher des community managers et des ambassadeurs dans les universités américaines et déployer une large campagne de médiatisation.

Les difficultés de la consommation collaborative

L'un des défis auxquels vont faire face ces deux service est la fidélisation. Comment faire pour retenir les utilisateurs s'ils décident de se débrouiller eux-mêmes, sans passer par le service ?

Autre défi typique d'un service de la consommation collaborative : est-ce légal ? En passant par des voyageurs, les acheteurs peuvent facilement (mais parfois illégalement) ne pas payer les taxes douanières qu'ont à facturer les services de livraison - et qui sont largement responsables de la tarification élevée de ces derniers dans des pays comme l'Egypte ou le Liban. Pire, on peut imaginer que les acheteurs puissent confier aux voyageurs des produits illégaux à leur encontre.

Zaagel et Jib.li apporte la même réponse : ils se considèrent comme des intermédiaires qui ne seraient être tenus responsables des décisions de leurs utilisateurs. Dans le futur, Zaagel compte se protéger des choix illégaux de ces utilisateurs en publiant sur son site un rappel des réglementations en vigueur dans chaque pays. Est-ce que cela sera suffisant ?

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