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Pourquoi ces entrepreneurs maghrébins se sont lancés en France

Pourquoi ces entrepreneurs maghrébins se sont lancés en France


De nombreux Maghrébins ont choisir la France comme pays d'adoption (Photo via Nawaat

Et si, contrairement à ce que l’on entend un peu partout, le Maghreb ne manquait pas d’entrepreneurs ? 

Et si ils avaient simplement choisi de se lancer à l’étranger ?

De nombreux entrepreneurs tunisiens et marocains ont choisi de lancer leur startup à l’étranger, et particulièrement en France. Pourquoi ? Est-ce que le Maghreb manque d’opportunités ? Est-il trop dur d’y lancer une entreprise ?

Être entrepreneur, c’est saisir les opportunités

Choisir la France n’est en général pas tant un choix qu’une évidence pour les jeunes Maghrébins venus étudier et travailler en France.

« C’est une opportunité qui s’est présenté à un instant T » explique Rania Belkahia, cofondatrice Afrimarket qui a développé une plateforme permettant à la diaspora africaine d’offrir des services et produits à leur famille restée au pays avec deux camarades d’HEC Entrepreneurs.

« Si on est basé ici, c’est que c’est là que sont nos clients. »

 

Rania Belkahi entourée des deux autres cofondateurs d’Afrimarket Jeremy Stoss et Francois Sevaistre. (Image via Marion Kotlarski/REA)

Sami Ben Hassine aussi a rencontré son cofondateur en France. Convaincu que le utilisateurs de son appli The Fabulous, qui permet de construire de bonnes routines matinales, sont essentiellement aux U.S. et, dans une moindre mesure, en Europe, il lui a semblé naturel de se lancer en France. 

Et même si les circonstances avaient été différentes, il lui aurait été compliqué de trouver des associés pour se lancer dans sa Tunisie natale car son réseau et ses amis d'enfance sont, pour la plupart, partis en France.

« Pour de jeunes entrepreneurs en démarrage, la France est un terrain de jeu idéal », ajoute Youssef Tagemouati, cofondateur de Tousfacteurs, une plateforme surlaquel des inidividus déposent à la poste les colis d’autres. Lui aussi a rencontré son associé à HEC Entrepreneurs.  

« On peut y lancer des projets web ou mobiles à faible intensité capitalistique, avoir accès relativement facilement à un financement et accéder à un marché significatif » ajoute t-il.

« Aujourd'hui, avec le recul, je me dis que l'écosystème est très important » acquiesce Sami Ben Hassine.

Être en France lui a permis de bien s’entourer dès le début, explique t-il, notamment en joignant l’incubateur hybride TheFamily et, plus tard, l’accélérateur Microsoft Venture. « Ca nous a évité bien des erreurs… The Family invitait chaque semaine un entrepreneur qui a réussi. Rien que d'entendre leurs histoires, on repartait rechargé et prêt à conquérir le monde. »

Être à Paris, et, d’un voyage en train, à Londres, lui permet de disposer d’un réseau de personnes sur lequel il peut compter et de rentrer en contact avec des partenaires clés comme Google et Apple.

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Sami Ben Hassine, à droite, rencontre les entrepreneurs d’Atventure, un concours de startups pour les Tunisiens en France. (Image via Atuge)

Oui au Maghreb, si cela rapporte de l’argent

Ces entrepreneurs ne tournent pas le dos au Maroc mais l’envisagent de façon purement économique. 

Pour Rania Belkahia, le Maghreb est un possible marché – elle est en discussions avec plusieurs acteurs pour développer sa plateforme en marque blanche.

Certains ne voient pas encore de raison de s’y développer mais profitent d’être entrepreneurs pour rentrer au pays plus souvent. « La deuxième année, j'ai réalisé qu'une fois mon réseau constitué, je pouvais me permettre de passer de plus en plus de temps en Tunisie » explique Sami Ben Hassine, qui travaille à distance depuis la Tunisie, une semaine par mois.

Pourtant, les opportunités ne manquent pas.

« Au Maroc il y a encore tout à faire et on peut facilement y adapter un business qui marche déjà ailleurs » soutient Mounia Rkha qui, rentrée au Maroc pour des raisons personnelles, avait créé MyDeal.ma, un site de deals désormais fermé.

Mounia Rkha a lancé son entreprise au Maroc, maintenant elle est de retour en France (Photo via Mounia Rkha)

« Le Maroc est un pays qui vit un moment de transition intéressant et propice aux aventures entrepreneuriales : le début de l’émergence d’une classe moyenne, définie par sa soif de vivre et consommer de manière plus moderne, ajoute Yassir El Ismaili, le fondateur de l’appli de taxi Taxiii rachetée par Careem. Ce genre de transition ne se produit qu’une fois »

L’absence d’écosystème entrepreneurial est-elle vraiment un problème ?

Le Maghreb n’est pas connu pour avoir un environnement propice à l’entrepreneuriat, pour autant, il n’y a rien d’insurmontable, estime Sami Ben Hassine.

« Si l’on choisit [de se lancer au Maghreb], c’est absolument primordial de s’informer de manière continue, de devenir une “learning machine”, explique t-il. Tout ce qu’il y a à savoir sur l’entrepreneuriat est déjà sur Internet ou sous formes de livre. Il suffit de prendre le temps de lire et de prendre de notes, et de s’entourer de 2, 3 personnes avec qui on peut partager ceci. »

Reste le problème du manque de capital disponible et eu cadre légal.

« Un entrepreneur ne bloquera jamais devant l'administration, continue le Tunisien basé à Paris, mais c'est quand même dommage de perdre des heures à produire des papiers et à légaliser des signatures, alors qu'on préfèrerait à la place travailler sur son produit. »

Trouver du capital d’amorçage n’est pas impossible non plus à qui sait chercher, estime Sami Ben Hassin, mais les fonds disponibles le sont souvent à l’étranger. 

Il faudra en revanche faire preuve de patience pour convaincre des investisseurs pour qui le Maghreb semble souvent « loin » et « risquée », ajoute Yassir El Ismaili.

Qu’importe où on se lance

Les entrepreneurs sont d’accord : peu importe où l’on se lance ; tout dépend du projet.

Le Maghreb est la bonne région où se lancer si l’on veut avoir un impact et construire une nouvelle économie, estime Mounia Rkha. « Il sera en revanche plus difficile d’y lancer une société très innovante et à vocation mondiale dans le logiciel » reconnaît-elle.

Il faut prendre en considération ses besoins. Si l’on a besoin de lever beaucoup d’argent où qu’on l’a besoin d’accompagnement, mieux vaut se lancer en France, semble acquiescer les entrepreneurs. En revanche, pour Karim Jouini, « [s’il l’on a] une idée mature et assez d’argent pour la « boostraper », Tunis est le meilleur choix ! »

L’important c’est de se développer à l’étranger le moment venu, ajoute Karim Jouini, qui a récemment ouvert une filiale d’Expensya à Paris.

Expensya founder Karim Jouini
Le fondateur d’Expensya, Karim Jouini, lors d’une journée de teambuilding. (Images via Expensya)

Pour Sami Ben Hassine, si l’on a un bon cofondateur et du capital d’amorçage, se lancer au Maghreb peut-être une bonne idée, à condition d’apprendre à communiquer en anglais, pour se développer dans d'autres écosystèmes, et de rejoindre un accélérateur à l’étranger dès que l’on a obtenu suffisamment de traction.

« Ce passage est nécessaire et obligatoire, même si l’on souhaite revenir en Tunisie ensuite » il ajoute.

Aller à l’étranger  est aussi une bonne décision si l’on a besoin de lever plus de fonds. « Les centres de gravité des fonds reste Londres, Berlin, Paris et les villes Américaines, rappelle t-il. [Après le seed], il vaut mieux lever dans ces endroits là pour avoir une meilleure marge de manœuvre et obtenir une meilleur valuation. »

« Si vous avez décidé de vous lancer au Maroc, il vaut mieux avoir un peu exercé ailleurs, dans un contexte professionnel où on apprend certains fondamentaux (rigueur, exigence, tenue des engagements, capacité d’analyse) » ajoute Yassir El Ismaili.

Et de conclure « Si [l’on veut] se lancer, c’est que l’[on aime] les challenges. Alors, où que ce soit, ce n’est pas le sujet, choisissez plutôt avec qui vous voulez vous lancer. »

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