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Comment créer une marque de confiance ? 6 leçons de sites de deals

Comment créer une marque de confiance ? 6 leçons de sites de deals

Au Maghreb, les sites d’achats groupés, alias sites de daily deals, ont révolutionné internet. Il y a eu un avant, pendant lequel les achats en ligne se limitaient à l’achat de billets d’avion, et un après, vers 2011, quand le e-commerce est entré dans la vie de tous les jours.

Mais dès 2013, les sites de deals connaissent une baisse de régime. Au Maroc, le pionnier du secteur MyDeal.ma disparait, le n°3, Superdeal.ma, perd ses parts de marché, la market place international Jumia envahit le secteur de l’achat en ligne volant la vedette aux sites de deals. Pendant ce temps, Bigdeal.tn en Tunisie et Hmizate au Maroc continuent de s’approprier des parts de marché.

Alors, qu’est-ce qui a fait la différence entre ces sites ? Quelles leçons et bonnes pratiques faut-il retenir de cette période ? 

Les managers de MyDeal.ma, Superdeal.ma, BigDeal.tn et Hmizate nous ont répondu. 

Adapter le modèle au marché local

En janvier 2012, quand Issam Essefi décide de lancer Bigdeal.tn en Tunisie, le pays compte déjà quatre sites de deals. Deux ans plus tard, BigDeal.tn est le leader du marché Tunisien. Ce résultat est le fruit d'une analyse poussée des modèles et résultats des concurrents locaux et internationaux et d'un effort d'adaptation au marché local, estime Issam Essefi

A l’époque, tous les sites d’achats groupés tunisiens proposaient une dizaine de deals simultanément pendant 5 à 10 jours avec des remises allant de 10% à 50%, explique t’il. A l’inverse, Groupon se concentrait sur une offre par jour, disponible pendant 24h seulement.

L'entrepreneur décida d'adapter le modèle du leader mondial, Groupon, au public Tunisien. Vu l’immaturité du marché et la réticence des internautes à payer en ligne, il choisit d'allonger la période du deal à 72h afin d’avoir le temps d’attirer suffisamment d’acheteurs. Cette extension permis aussi d’offrir aux consommateurs la possibilité de payer en espèce dans les points de vente de la marque, appelés Paybox, et de concentrer l’effort marketing sur une seule offre. De même, pour convaincre le Tunisien de prendre « le risque » d’acheter en ligne, l’entrepreneur décida de proposer des offres "irrésistibles" avec des réductions d'au moins 50%.

Adapter les modes de paiement

Pour BigDeal.tn, il était essentiel que les utilisateurs puisse payer en liquide, d'où l’ouverture de points de vente PayBox dans des supermarchés. Selon Issam Essefi, 80% des achats se faisaient en espèce, les premiers mois, ce qui a permis de dépasser le chiffre d’affaire des concurrents par quatre. Pourtant le paiement en liquide n’est pas une finalité. C’est un process coûteux et risqué (50% des paiements en espèce ne sont pas honorés) mais qui a permis de construire une relation de confiance avec les internautes puis de les convaincre de passer au paiement en ligne, estime l’entrepreneur. Désormais seuls 30% des paiements se font en espèce.

SuperDeal.ma a suivi une logique similaire, explique Ismail Loubrais, l’ancien PDG de l’entreprise, que nous avions rencontré en 2012. Afin de convaincre les clients frileux ou dont la carte bancaire était bloquée par un seuil bas, la startup lancée en mars 2011, choisi de proposer en exclusivité le système WafaCash, avant de développer SuperfFlouss, une application qui permet d’alimenter un portefeuille virtuel grâce à WafaCash et de s'éviter une visite à un centre WafaCash à chaque achat.

Offrir un service de qualité à ses clients

« Le plus important c’est le service client et la qualité de l’offre. » Kamal Reggad, fondateur de Hmizate a donc passé beaucoup de temps à travailler sur la marque et l’identité de l’entreprise, mais surtout, sur le service client. Le site était le premier à mettre en place un numéro de téléphone dédié aux réclamations et demandes d’informations des utilisateurs, et est toujours le seul à proposer un service de chat en ligne au Maroc. Hmizate compte plus d'employés au service client qu'au service commercial et ça marche. Hmizate a été nommé marque de l’année dans la catégorie service cette année au Morocco Awards et atteint le demi-million de transactions il y a deux mois. Une explication : « les clients apprécient ça et reviennent ».

Chez BigDeal.tn, il s'agit de créer une relation de confiance avec les acheteurs et les commerçants. Pour rassurer les clients, la startup a créé des points de vente et a aussi permis le remboursement dans les 72h. Pour créer une relation gagnant-gagnant avec les commerçants, le site propose un accompagnement personnalisé afin d'aider les commerçants à gérer leur calendrier et leur personnel et d'éviter d’être débordé par l'augmentation soudaine de clients. L'entreprise offre aussi la possibilité de mettre en place un programme de fidélité, pour s’assurer le retour des clients une fois le deal fini, et de relancer les clients.

Bien gérer son acquisition d’utilisateurs

Pour créer cette confiance et recruter des utilisateurs, Kamal Reggad est persuadé qu’il faut voir grand : « La première année, on a fait beaucoup d’affichage, on était partout ». En 2011, rappelle t’il, les Marocains n’achetaient pas en ligne, il fallait donc chercher ailleurs qu’en ligne. En outre, il s’agissait de convaincre les Marocains que Hmizate n’était pas un site louche lancé dans un garage. Une campagne d’affichage permettait de gagner en crédibilité.

Cette expérience a aussi appris une leçon importante à Kamal : l’importance de faire confiance à son intuition. A l’époque, faire l’affichage était tellement nouveau pour un site internet que tout Casablanca en a jasé. « A un certain moment, j’ai arrêté de dire que je travaillais pour Hmziate pour éviter de recevoir des ondes négatives [et des feedbacks non désirés] », raconte Kamal. Et, à en croire les résultats de Hmizate, il a eu raison.

Lever suffisamment de fonds pour tenir la distance

Pour Nabil Sebti, le gérant de MyDeal.ma, tout ceci a un prix. « On ne se lance pas avec peu de sous, ça ne marche pas. Il faut dédier au moins 60 à 70% de son budget à la communication et il faut pouvoir le supporter niveau liquidité. »

Il rappelle comment, en cinq/six mois, Jumia est passé devant tous les acteurs présents depuis 5 à 6 ans grâce à une communication multicanal intense, rendue possible par une levée de fonds impressionnante, et comment Bikhir et Avito en sont arrivés aux mêmes résultats dans le secteur des petites annonces. « Aujourd’hui, ils réalisent des pertes colossales mais ils ont une croissance énorme, explique t’il. En 2017-2018, lorsque le marché sera suffisamment grand et mature, comme le prédisent les analystes, la logique du first come first served se fera sentir et il sera difficile de se battre contre eux. »

« Avec les fonds nécessaires, les choses auraient été différentes pour MyDeal » estime t’il.

De son côté, Hmizate a réussi à lever 1,6M$ (il nous expliquait comment dans cet article de août 2013), lui permettant de continuer à communiquer de façon intensive. Avant la "mise en pause" de MyDeal, la startup avait presque finalisé une levée de fonds. Dans les deux cas, les fonds venaient d'investisseurs internationaux.

« Il faut avoir les fonds suffisants et ce n’est pas au Maroc qu’on les trouve », estime Nabil Sebti. Il reproche aux bailleurs de fonds marocains de ne pas connaître et comprendre les business models du web et d’être trop lent dans le versement des fonds.  Avoir un investisseur étranger permet aussi de trouver des solutions pour contourner le problème du dirham non convertible, continue t'il, puisque l’on peut utiliser une des structures du fond pour assumer les dépenses à l’étranger nécessaires à la survie de l’entreprise.

Garder son équipe petite 

MyDeal a connu une très belle croissance pourtant, dès 2013, la startup connaît des problèmes de liquidité, conduisant Nabil Sebti à être persuadé que le modèle des deals ne peut pas être rentable (voir notre article). Pourtant, Hmizate est profitable, « depuis un moment » selon Kamal Reggad. Comment est-ce possible ?

« Il faut faire très, très attention aux dépenses », explique Kamal. L’entreprise a donc tenu à garder une équipe réduite. Alors que MyDeal a atteint plus de 40 employés et SuperDeal 30 personnes à certains moments, l'équipe en charge de Hmizate n’a jamais dépassé les 25 employés (l'entreprise compte a l'heure actuelle, 20 employés sur Hmizate et 25 sur Hmall).

Le secret pour réussir plus avec une plus petite équipe : « il faut faire attention au recrutement et à la culture. » En sélectionnant bien ses employés, en se débarrassant de toute hiérarchie, en développant une culture de la satisfaction client et en assurant une bonne ambiance au travail, le manager a réussi à ce que tout le monde se donne à fond.

Toutes ces leçons ne sont pas spécifiques aux daily deals. Au contraire, elles peuvent, et doivent, être une source d'insipiration pour les entrepreneurs qui essaient d'écrire la suite du e-commerce au Maghreb.

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