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La fermeture d’Ubisoft au Maroc, une bonne nouvelle ?

La fermeture d’Ubisoft au Maroc, une bonne nouvelle ?

Après 18 années d’activité, le studio marocain d’Ubisoft à Casablanca va fermer. 

L’annonce, faite le 9 juin, sonne le glas du plus vieux studio de jeu vidéo d’Afrique du Nord. En tout, les équipes marocaines avaient produit plus de 26 jeux.

Pour certains acteurs de la scène gaming indépendante marocaine, l’heure n’est pas à la tristesse. Au contraire, cette fermeture pourrait marquer un nouveau départ pour l’industrie des jeux vidéo au Maroc.

Ubisoft Casablanca, premiers pas marocains dans la conception de jeux vidéo

Fondé en 1998, Ubisoft Casablanca était l’un des plus anciens studios d’Ubisoft, le géant des jeux vidéo d’origine bretonne.

Après le succès du premier jeu développé par Ubisoft Casablanca, la version N64 de Donald Duck: Goin' Quackers, le studio marocain était choisi pour développer avec le studio de Montréal, Prince of Persia : l’âme du guerrier, l’un des blockbusters de l’époque. En 2003, les deux studios mettaient fin à leur collaboration.

« Ca s’est très mal passé, expliquait au Monde Vincent Monnier, ancien du studio, lors d’un entretien fin 2015[Le jeu] a été rapatrié à Montréal à cause de querelles intestines entre les studios. » Et avec le jeu, s’en sont allés de nombreux développeurs.

SI l’excitation était retombée, Ubisoft avait encore de bons espoirs pour le studio marocain.

En 2007, Ubisoft annonçait vouloir spécialiser la filiale nord-africaine dans le mobile et recruter 150 personnes d’ici 2010.

En 2008, ils ouvrèrent un campus à Casablanca pour enseigner la conception de jeu. « Ils voulaient créer une nouvelle génération de développeurs marocains qui seraient en mesure de faire des jeux de haut niveau » expliquait Yassine Arif, le PDG de Moroccan Game Developers, à Wamda en avril.

L'équipe Ubisoft Casablanca dans leurs bureaux. (Image via Ubisoft)

Le campus, qui n’avait pas de nom officiel, organisait des formations d’un an à destination des étudiants. L’objectif était de former 300 étudiants gratuitement. « C’était très dur, les standards étaient les mêmes que dans les universités américaines » expliquait Yassine Arif qui y avait étudié à l’époque, à Wamda en avril.
La crise financière de 2008 conduit Ubisoft à fermer le campus en 2010. Progressivement, Ubisoft concentra ses moyens sur ses bureaux à Montréal, jusqu’à l’annonce, la semaine dernière, de la fermeture du studio.

« Nous n’avons pas trouvé la bonne formule sur le marché difficile des consoles portables » expliquait au Monde un porte-parole du groupe.

Cette explication ne serait que partielle. L’autre studio spécialiste du smartphone, Ubisoft Mobile Games, à Paris, n’est en effet pas touché. Une source proche du dossier aurait confié au Monde que l’éditeur était surtout confronté aux velléités de départ de ses meilleurs créatifs artistiques marocains, parmi eux Yassine Arif.

« J’avais quitté le studio en 2015 car il n’y avait pas de vision pour l’avenir par le top management du studio Marocain, et on sentait que les choses n’allait pas vers la bonne route » explique t-il à Wamda suite à l’annonce, dénonçant une « ambiance frustrante ».

Selon nos sources, le studio casablancais souffrait d’un mauvais management et d’un manque de dynamisme.

« Le management "marocain" était souvent remis en question et pointé du doigt » explique Anas Filali, fondateur du studio de jeu vidéo Lorem.

Une source souhaitant rester anonyme va plus loin : « Ubisoft était devenu un dépôt pour ceux qui veulent pas trimer ». 

Que vont devenir les 48 employés d’Ubisoft ?

« Personnellement je pense que [cette fermeture] est positive, car je sais que certains ex-Ubi en profiteront pour monter leurs studios, et avec leurs expériences et leur connaissance du marché, cela pourrait donner des productions intéressantes » a confié Alaa-eddine Kaddouri, fondateur du studio de jeux vidéo Ezelia, à Wamda.

Ils ne seraient pas les premiers.

Suite à son départ d’Ubisoft, Yassir Arif a créé The Wall Games, un studio qui vient de lancer, à l’occasion du Ramadan, son premier jeu "z7am", un jeu dédié à un public marocain avec comme sponsor l’opérateur télécom Inwi.

Soucieux de préserver l’héritage technologique d’Ubisoft en cas de fermeture, il créa en 2011, avec Osama Hussain, le collectif Moroccan Game Developers pour promouvoir la création de jeux vidéo dans le royaume.

Des développeurs indépendants marocains lors du Global Game Jam 2015. (Image via Moroccan game developers)

Imad Kharijah et Othman El Bahraoui ont, quant à eux, lancé Rym Games à leur départ d’Ubisoft. La jeune entreprise a levé 2,8 millions de dirhams (290 000$) auprès du Maroc Numeric Fund en 2016 pour développer son premier jeu « The conjuring house ». 

Un autre exemple est Palm Grove Software, un studio lancé par l’ancien Ubisoft Khalil Arafan en 2011.

« D'autres vont surement suivre les mêmes pas, ou rejoindre un des studios existants » estime Alaa-Eddine Kaddouri.

Cela semble peu probable estime, quant à lui, Anas Filali, notant que les employés d’Ubisoft ces dernières années, dont certaines venaient de studios indépendants, recherchaient plutôt un emploi « tranquille ».

« Cette fermeture ne change rien ​sur le plan local. Cela va mettre un nombre de ressources humaines avec des reflexes de qualité sur le marché mais qui vont le plus souvent être attirés par des agences de com' qui vont dénaturer leurs compétences » explique t-il.

Peut-être mais la fermeture du studio pourrait avoir un autre effet sur la scène indépendante.

« C’est une bonne nouvelle car cela permettra à la communauté de développeurs de se secouer et commencer à créer eux même le référencement du Maroc » conclue Yassine Arif.

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