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Voici l’histoire des cinq lycéens qui ont créé Ouedkniss, le leader des petites annonces en Algérie

Voici l’histoire des cinq lycéens qui ont créé Ouedkniss, le leader des petites annonces en Algérie

L’histoire du huitième site le plus visité en Algérie commence il y huit ans dans une rue de Kouba en banlieue d’Alger. 

Tandis que des policiers s’affairent à fermer le souk improvisé de la rue Oued kniss, cinq adolescents, regardent, dépités, une page de l’histoire de leur quartier se tourner. C’est dans cette rue que les gens du quartier viennent acheter, vendre et échanger tout ce qu’ils peuvent imaginer, du téléviseur au tapis en passant par le vélo.  « C’était vraiment très sympa », se rappelle Mehdi Bouzid, alors 17 ans.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais nous sommes en 2006 et, comme tous les adolescents algériens de l’époque, les cinq amis, Hichem Soudah, Amine Benmouffok, Ahmed Bouaouina, Mehdi Mounis Bouzid et Djamel Eddine Dib (de droite à gauche dans une des très rares photos que les amis ont diffusés), rêvent d’ouvrir un blog. Eux qui avaient déjà en tête de créer un site de petites annonces, pour que leurs amis et camarades de classe puissent vendre et acheter leurs objets, décident de passer à l’action. Ils créent, sur les ordinateurs du cybercafé, leur site et le nomme en hommage à cette rue qui a rythmée leurs enfances.


L'équipe en 2006, puis en 2014

Loin d’eux, l’envie de faire de l’argent raconte Mehdi. « En 2006, les sites algériens, il n’y en avait pas des masses. Il y avait juste des Skyblogs, des forums et deux ou trois sites d’informations. On voulait juste poser notre empreinte sur internet. » 

Du bouche-à-oreille à la pub en ligne

La première année, le site n’attire par plus de 20 visiteurs par jour et ne compte que quelques annonces, postés par leurs potes. Mais au fur et à mesure, le bouche à oreille prend. Début 2007, l’équipe est invitée à l’un des premiers événements dédiés au e-marketing dans le pays et atteint son premier pic de visites : 2 000 visiteurs en une journée. « Pour nous, c’était déjà un record » se rappelle Mehdi Bouzid.


Une capture d'écran du site en 2006

Les choses s’accélèrent quand les cinq amis entrent à l’université. Là-bas, chacun peut facilement prêcher la bonne parole à ses camarades de classe. Après tout, ce sont les étudiants, à l’époque, les plus susceptibles d’utiliser leur site, rappelle le co-fondateur. « On n’a fait aucun effort marketing » insiste t’il. Et pourtant, le mot se propage d’universités en universités, puis sort des universités et devient progressivement un phénomène. « Le téléphone arabe, ça existe vraiment », rigole Mehdi.

Ouedkniss, comme ses équivalents au Maroc et en Algérie a permis d’introduire internet en Algérie. C’est sur ce site, en effet, que les Algériens ont fait leurs premiers achats en ligne ou ont fait leur premières recherches d’appartement ou de voitures. « Beaucoup de personnes nous ont dit qu’ils ont commencé à utiliser internet à cause de Ouedkniss. »

 

Après trois ans de développement et d’amélioration du produit et d’appropriation du site par les utilisateurs, les cinq amis sont prêts à passer à la vitesse supérieure et commencent à faire du marketing et de la pub afin de convaincre les Algériens qui rejoignent en masse internet, et surtout ceux qui n’ont toujours pas rejoint internet. 

Pour l’entrepreneur, pas besoin de faire de la pub à la télé ou sur des panneaux publicitaires, comme le font les sites de petites annonces au Maroc, il suffit d’être présent sur Facebook. « Vous pouvez trouver des algériens qui n’ont pas de boite mail ou internet mais qui utilisent Facebook, donc on est allé chercher ces personnes. »

Pas de précipitation pour monétiser

Etant étudiants et ne faisant pas cela pour l’argent, les cinq amis ont choisi de prendre leur temps pour monétiser le site.

En 2009, ils lancent l’offre Store, un abonnement mensuel permettant aux professionnels de bénéficier d’une vitrine en ligne et d’un nombre prédéfini d’annonces, un produit à la croisée des petites annonces et de eBay donc. Les débuts ne sont pas évidents. L’équipe a du mal à convaincre ses top utilisateurs de payer pour un service qu’ils utilisent déjà gratuitement. Ils sont obligés de revoir leur prix à la baisse et propose finalement 100 annonces pour 1 000 dinars, soit 10 dinars (0,12 USD) l’annonce. « C’est tellement pas cher que [l’utilisateur] se sent obligé de la prendre », explique t’il.

Fin 2011, le startup ne compte toujours pas plus de 100 vendeurs professionnels, pas de quoi devenir riche donc. Les cinq étudiants, estimant la période de beta concluante, recrutent alors des prospecteurs pour aller chercher les commerçants dans leurs magasins. En un an, le nombre d’offres Stores vendues est multiplié par six. Aujourd’hui, certaines grandes marques ont même ouvert des Stores sur Ouedkniss, nous confie Mehdi Bouzid.


Les stores mis en avant sur le site

Heureusement, ce n’est pas sur cette offre que l’équipe compte monétiser le site. Depuis 2010, l’équipe diffuse des bannières publicitaires sur Ouedkniss.

« Ca a mis beaucoup de temps », se plaint le co-fondateur. « J’ai essayé de [m’occuper des ventes] en 2009-2010, mais j’ai jeté l’éponge », explique t’il, la faute, dit-il, aux responsables marketing des annonceurs qui ne comprennent pas internet. « Ils étaient vieux jeu. Pour eux, internet ce n’était pas sérieux. » Très rapidement, l’équipe décide donc de sous-traiter la grande partie de leur travail commercial en passant par des régies externes.

Si les choses ont un peu évolué avec l’arrivée en poste de managers plus jeunes et l’engouement d’internet, les annonceurs manquent toujours terriblement de culture web et refusent toujours de faire des campagnes au CPM et exigent de payer à la journée, se lamente le co-fondateur. Qu’importe, le site est, depuis 2011, rentable.

Une vision à dix ans

Après huit ans d’existence, de patience et d’obstination, Ouedkniss peut fièrement revendiquer 250 000 visites par jour et s’imposer ainsi comme le premier site algérien dans le pays. Alors que l’heure est aux fusions entre géants internationaux au Maroc, que la Tunisie est dominée par la version tunisienne de Schibsted, Tayara, le site local va t’il rester longtemps indépendamment ? « Nous avons eu quelques offres, surtout du Moyen-Orient, en 2008 mais nous n’aimons pas l’idée d’avoir des investisseurs, nous avons notre vision de ce que nous allons être dans dix ans. »

Le cinq amis ont déjà commencé à se diversifier en améliorant la catégorie Voyages afin que les utilisateurs puissent réserver leurs voyages auprès d’agences de voyage directement en ligne, ainsi qu’en lançant un site dédié à l’automobile, Autobip.

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