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Toufik Lerari, l'entrepreneur qui replace la communication au coeur de l'Algérie

Toufik Lerari, l'entrepreneur qui replace la communication au coeur de l'Algérie

Toufik Lerari fait partie de ces entrepreneurs algériens qui changent l’image que les Algériens et les étrangers ont du pays pétrolier, et qui chamboulent, pour le mieux, l’économie du pays.

A 37 ans, l’entrepreneur est connu pour avoir racheté l’agence de communication française Tequilarapido et pour en avoir fait un des dix plus grosses agences de communication digitales indépendantes de l’hexagone, mais aussi pour avoir co-fondé et pour présider Allégorie, la première agence de communication d’Algérie. Cet amoureux de l’Algérie, passionné d’entrepreneuriat et de changement positif, est aussi connu pour organiser Fikra, le TED de l’Algérie, et pour avoir poussé les Algériens à penser positif et à entreprendre.

L’entrepreneur est revenu sur son parcours et nous explique ce qui l’a poussé à rentrer en Algérie et ce qu’il pense du secteur de la comm’ en Algérie.

Entrepreneur par accident

Comme beaucoup d’Algériens de son âge, Toufik Lerari a quitté l’Algérie après son bac pour poursuivre des études scientifiques en France. Son deug en poche, le jeune Algérien enchaîne avec une école de commerce. Nous sommes en 97, en pleine bulle du digital. Intrigué, Toufik Lerari décide de faire un stage chez Tequilarapido, une agence de communication digitale qui compte six collaborateurs.

Quatre ans plus tard, quand les fondateurs décident de passer à autre chose, l’Algérien, convaincu du potentiel de l’entreprise, se porte acquéreur, bien décidé à faire grandir l’agence et à exploiter le filon du web. Une décennie plus tard, Tequilarapido est devenue une des dix plus grosses sociétés de comm digitale indépendantes de l’hexagone. Forte de 50 employés, l’entreprise auto-financée travaille avec des grands groupes du CAC40 et affiche fièrement 5,5 millions d’euros de chiffre d’affaire.

Pourtant, ce succès cache une frustration, celle de ne pouvoir donner vie à sa vision de la communication. « Le numérique ce n’est pas qu’un canal, explique l’Algérien, c’est un état d’esprit, une autre façon de faire de la communication. » En France, où le marché de la communication est très mûr et très cloisonné - les grands groupes, ont l’habitude de passer par différentes agences pour l’achat d’espace, la production audiovisuelle, le digital, le offline, etc -, le PDG de Tequila Rapido a du mal à convaincre ses clients que l’agence digitale peut agir sur des leviers de communication non digitale.

Retourner en Algérie pour innover

En Algérie, en revanche, le marché est beaucoup moins structuré, et n’a pas encore adopté des réflexes qui empêchent le marché français d’innover, estime l’entrepreneur. Il observe avec son cousin, Marhoun Rougab, que le marché de la communication est très fragmenté et est convaincu que si une agence de communication se plaçait sur toute la chaine de valeur, cela permettrait de faire des économies, de gagner en performance et de permettre de lancer des campagnes plus innovantes qui soutiendraient durablement le développement de ce secteur.

En 2010, les deux associés décident donc de lancer Allégorie, une agence qui s’articulera autour de cinq entreprises s’occupant chacune d’un métier différent, ce qui permettra à l’agence d’offrir à ses clients des prestations à 360°. L’entreprise conjugue donc désormais la production audiovisuelle, avec  Sixty2, l’achat média  avec Fifty4, les études marketing avec Mawja. Quelque chose d’impensable en France, continue t’il. « En Algérie, l’innovation est vue comme un signe de vitalité. »

L’entrepreneur prend en exemple une campagne que l’agence a menée en 2012 et dont l’objectif était de célébrer les dix ans de l’opérateur télécom Djezzy. L’agence lança internet www.avoir10ans.com et organisa un concours de dessins ouverts aux enfants de 10 ans sur le thème « dessine moi l’avenir » dont les juges étaient les fans de la marque sur Facebook. Les dessins ayant reçu le plus de votes furent ensuite publiés dans la presse papier, tandis que des vidéos furent mises en ligne pour partager la réaction des enfants et de leurs familles avec le public algérien.

Une telle campagne n’aurait jamais pu voir le jour en France, explique le président de l’entreprise, car acheter de l’espace publicitaire dans des médias papier aurait été trop couteux, et surtout car il aurait fallu passer par différentes agences pour gérer l’achat média, la production audiovisuelle, la gestion de Facebook, la création d’un site etc, ce qui aurait fait grimper la note. 

Toufik dédie désormais 99% de son temps à Allégorie, pour autant, il supervise toujours Tequilarapido et tient à ce que les deux agences continuent à travailler ensemble. « Tequila a apporté beaucoup de savoir aux équipes algériennes, tandis qu’Allégorie a apporté beaucoup de support à Tequila en terme de création à travers son plateau de créatifs très développé. Dans cinq à dix ans on aura des synergies quotidiennes et créeront de la valeur sur les deux rives » estime l’entrepreneur.

Tant de confiance et d’optimisme peut sembler étonnant quand on connait la lassitude des entrepreneurs du web algérien qui cherchent à monétiser leurs sites en vendant de l’espace publicitaire, comme Ouedkniss.

Pour Toufik Lerari, le marché est mature, les audiences sont là, il ne manque plus q’un acteur pour organiser et clarifier l’achat d’espace web. « Il n’y a encore aucune agence qui a pris le problème dans sa totalité, qui a investit les moyens nécessaires et créé la plateforme d’achats média [dont le pays a besoin » explique t’il. « Si on force les annonceurs à être transparents sur leurs audiences, on arrivera très facilement à un modèle économique extrêmement compétitif. » estime l’entrepreneur.

Une culture d’entreprise garante du bon fonctionnement de l’entreprise

Il suffit de quelques minutes avec Toufik Lerari pour réaliser qu’il n’est pas seulement motivé par le potentiel économique du pays et du marché de la comm. « [Chez Allégorie,] on est alimenté par l’idée d’être utile. Notre signature c’est inspirer le futur » explique t’il. « La communication doit jouer un rôle dans cette société [algérienne] qu’on aime et qui nous anime. »  C’est sur ces valeurs que l’entreprise s’est construite.

Pourtant, de façon assez ironique, l’entreprise essaie d’être très peu visible. « C’est culturel et c’était aussi une forme d’humilité. Chez les Algériens, communiquer, c’est un peu se justifier, faire sa pub, c’est être orgueilleux. » Une autre explication avancée par Toufik Lerari est le jeune âge du pays. « L’Algérie est un pays jeune. Cinquante ans, ce n’est pas beaucoup pour une nation […], le pays cherche encore sa légitimé. » C’est évidemment un point épineux pour une agence de communication.

Heuresement avec l'émergence de nombreuses PME et PMI qui comprennent l'intérêt de la communication, le marché a désormais atteint une taille suffisante, estime l’entrepreneur, pour ne pas avoir à aller convaincre des entreprises traditionnelles de communiquer. Toufik en est sûr, parmi eux, il y a les futurs champions de l’Algérie et de la région. 

La semaine prochaine, Toufik nous parlera de son investissement dans l’entrepreneuriat dans le pays.

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