Yassine El Kachchani, l'entrepreneur marocain qui ne baisse pas les bras, lance un nouveau service
Le nom de Yassine El Kachchani ne devrait pas vous être inconnu
si vous lisez Wamda ou connaissez la scène startup marocaine.
Yassine est l'un des premiers Marocains à avoir créé une startup,
et sa première aventure, LaCartePlz, une plateforme pour commander
des plats auprès des restaurants, avait
enthousiasmé les techos marocains. Mais la startup n'a pas
survécu et le jeune fondateur a préféré
pivoter vers un modèle B2C, qui devait permettre aux
restaurants, dans un premier temps européens, de créer leur propre
site de commande en ligne. Nouvel échec.
Le Rabati, devenu entre temps membre fondateur du réseau
StartupYourLife, décide alors de partir sur un modèle
totalement différent qu'il estime plus adapté à la maturité de la
scène startup marocaine : développer trois projets et se concentrer
sur celui qui engendre des revenus le plus rapidement. Un an plus
tard, c’est sur Hidden
Founders, une agence jouant le rôle de CTO temporaire pour les
startups européennes et MENA, un pivot de l’une des ces trois
idées, que les trois comparses choisissent de développer.
Nous avons rencontré Yassine pour discuter de ce nouveau projet, de ce qu'il a appris de son premier échec et de ces deux pivots, et de ce qui lui permet de continuer à aller de l’avant.
Recommencer
L’échec de LaCartePlz et de son pivot Doofry a été dur,
avoue sans complexe Yassine. Le fondateur est passé par une phase
de déprime de trois/quatre mois, mais impossible pour autant de
tirer un trait sur sa vie d’entrepreneur.
« Les entrepreneurs qui réussissent d’un coup, ce sont
les exceptions » insiste t’il. Lui fait partie de ceux qui ont
appris de leurs premiers échecs, tant du point de vue business - il
se concentre désormais plus sur les ventes et la distribution que
sur les produits et les features, comme c’était le cas avant - et
personnel. « Maintenant je vis ma vie normalement »
répète l’entrepreneur qui s’est notamment mis au sport. « Tu
commences à stresser beaucoup moins et ça impacte ta prise de
décision » explique t’il.
Le jeune homme décide de recommencer une nouvelle startup,
cette fois-ci avec deux co-fondateurs, Adil
Haizoune, le CTO, avec 10 ans d’expérience dans des
SSII (société de services en ingénierie informatique),
et Nabil, le responsable des ventes.
« Je comprends pourquoi le YC n’accepte pas les
fondateurs uniques » explique t’il. « [Avoir des
co-fondateurs] a eu un impact énorme sur ce que je fais. Deux
co-fondateurs, c’est deux têtes pensantes, deux personnes avec qui
partager les frais ; ça libère, ça t’enlève du stress, ça te permet
de prendre du recul. »
Les débuts de Hidden Founders
Les trois cofondateurs décident de tester trois prototypes,
convaincus que « c’est le projet qui va nous appeler » :
WeUnikorns, une online fashion brand pour une
femme, elevengo.com une plateforme
de jeu de pronostiques foot, et Hidden Founders, une
SSII offshore pour startups.
En juin, bien que la mini-collection et la plateforme de
vente de WeUnikorns est prête, l’équipe décide de se concentrer sur
Hidden Founders, après avoir signé deux clients. Ils partent alors
en Europe rencontrer des clients et leur prouver qu’ils ne sont pas
de l’offshore classique.
Le constat est sans appel : l’équipe n’avait aucun problème à
dépasser l’étape validation du projet et création de confiance
grâce à son expérience, son portfolio, et le fait qu’ils parlent le
même langage, comprenez la langue startup.
En un mois de tournée, 12 startups demande un devis, mais
aucune ne passe commande par manque de budget. « En Europe, c’est
comme au Maroc, la majorité des fondateurs sont ruinés, n’ont pas
de prototype, pas de MVP et donc pas de seed money, explique
Yassine. Ils sont en train de chercher un CTO pour donner des
parts, pas plus. Ils ne veulent pas mettre pas beaucoup d’argent
pour sortir un prototype. »
Sur les 12 startups, quatre attirent l’attention des
Marocains. « C’était vraiment dommage d’avoir un match comme
ça, de croire en la startup en face de nous, est de ne rien faire
juste à cause du financement. » Ils imaginent alors un modèle
leur permettant de devenir « le CTO temporaire » de
startups ayant du potentiel, et ce à moindre coût. « On est là
pour construire le MVP qui leur permettra de valider leurs
hypothèses et d’avoir de la traction afin d'attirer un CTO, des
accélérateurs et des seed stage VCs. »
Un nouveau modèle de facturation
Les trois amis, inspirés du modèle de leasing, ont mis au
point un modèle de facturation adapté aux startups. Ils ne
demandent que 15% du devis au départ, puis passe à un paiement par
mensualité sur 18 mois. A la fin des 18 mois, les entrepreneurs
obtiennent le code source des solutions créées par Hidden Founders
pour eux.
En outre, les trois Marocains comprennent que les
entrepreneurs ont besoin d’avoir une porte de sortie si le projet
ne se concrétise pas. Ceux qui décident d’avorter leur projet les
six premiers mois peuvent mettre fin à leur contrat sans payer les
12 dernières mensualités. Les autres sont engagés jusqu’à la fin
des 18 mois.
Un nouveau modèle de offshoring
Pour se permettre ce modèle financier, la startup a décidé de
jouer sur des blocs préfabriqués de code source. « On prépare des
blocs de code avant l’arrivée des missions pour les réutiliser un
peu partout », par exemple, pour gérer le social sign-up et
les parrainages clarifie le co-fondateur, « et ça ca nous permet de
couper nos coûts de 40% » et de libérer du temps pour se
concentrer sur la logique et le métier. « Il y a beaucoup de
fonctionnalités qui se répètent, c’est pour ça que les CMS comme
Drupal et Jumla existent. » Sauf que ces CMS sont très
spécifiques et font rapidement perdre du temps aux entrepreneurs
qui veulent un produit qui ne rentrent pas exactement dans leur
offre.
Les amis décident aussi de jouer sur le partage de
ressources. Chaque développeur travaillera avec trois startups, ce
qui permettra d’éviter qu’un développeur se trouve avec des
périodes creuses. Pour y arriver, Hidden Founders doit s’occuper de
plusieurs startups en même temps et donc de passer à un modèle de
"batch", comme dans les accélérateurs.
Enfin, l’équipe, qui connait bien l’offshore marocain, assure
avoir recruté d’excellents développeurs, lassés de l’aspect
répétitif et sans valeur ajoutée du offshore classique, pour
assurer une qualité et une productivité optimale. Petit plus :
l’équipe de Hidden Founders a réuni quelques entrepreneurs
marocains qui pourront aider les startups acceptées,
comme Eyass Shakrah
de Avito, Hicham
Oudghiri de Enigma
et Kamal Reggad de Hmizate/Hmall.
Les startups intéressées peuvent candidate jusqu’à la fin du
mois. Objectif : obtenir 7 startups pour le premier
batch.